"On ne veut pas d’une nouvelle force Misca ou Sangaris"

Les bérets militaires ont changé de couleur en Centrafrique. Un passage du vert au bleu qui représente la fin de la mission de la force africaine, Misca, et la prise de commandement de la Minusca (Mission intégrée multidimensionnelle de stabilisation des Nations unies en Centrafrique). Une force plus dense - 12 600 hommes d’ici avril 2015, contre quelque 7 000 pour la Misca -, et mieux équipée qui devrait pouvoir se déployer sur tout le territoire centrafricain, aussi grand que la France.

De quoi mettre du baume au cœur de la population. Pour beaucoup, la maigre marge de manœuvre dont disposait, jusqu’à présent, la Misca a été vécue comme une déception, surtout en dehors de la capitale.

À Bambari, les ex-Séléka narguaient la Misca

Si, dans certains régions, la force africaine a réussi à garantir un minimum d’ordre et de sécurité, d’autres localités se sentent laissées pour compte. C’est le cas de Bozoum, ville du nord-ouest du pays, où la Misca a brillé par son inaction depuis juillet. “Un jeune Centrafricain a été tué par un soldat de la Misca, alors qu’il était en train de jouer aux cartes”, explique Aurelio Gazzera, un missionnaire italien résidant dans le pays depuis 1992. “Des habitants en colère ont décidé de se venger de cette bavure et ont tué un soldat de la force africaine. Depuis, la Misca n'a pratiquement plus rien fait en matière de patrouilles et d'interventions.”

Une situation qui s’ajoute à la désertion du préfet de Bozoum. Ce dernier a pris ses jambes à son cou le 8 décembre 2013, dès le début des violences. Sans administration, les habitants de Bozoum affirment qu’il leur est “très difficile de travailler”.

À 400 kilomètres de là, à Bambari, dans le centre du pays, la Misca était, jusqu’à présent, toujours en place, bien qu’inefficace. “Ici, les ex-Séléka paradaient les armes à la main sous les yeux de la Misca… qui ne faisait rien!”, explique Marcel Ngonzila, qui a vécu dans la ville ces derniers mois. “Le rôle de ces soldats était pourtant de les désarmer. Mais il n’y a pas l’ombre d’un début de désarmement à Bambari.”

Depuis trois semaines, Marcel Ngonzila a déménagé à Bangui. Dans la capitale, à en croire le chef de la Misca, le général Mokoko, “la vie a repris”. Dans les faits, pourtant, Bangui n’est que l’ombre d’elle-même, selon des habitants.

Bangui : une accalmie toute relative

“Avant, cela grouillait de monde. Aujourd’hui, à 20 heures, les rues sont désertes”, décrit Marcel Ngonzila. “Il y a une prolifération des armes légères. La nuit, on entend des détonations. Rester dehors au-delà de 19 heures, c’est dangereux." Quand le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, parle d’une "réussite complète" de la Misca, Marcel Ngonzila évoque, lui, des échecs cuisants. "Cela m’irrite d’entendre ça ! La Misca n’a rien fait."

Comme par exemple au quartier PK5, poumon économique de Bangui, devenu une “poudrière”, une “jungle”. “On peut se faire tuer comme un chien là-bas”, dit-il.

“Il y a des problèmes tous les jours”, commente Ibrahim Balla, un habitant de ce quartier. “Des bandits pillent, menacent les habitants avec des armes, du gaz lacrymogène. Tous les jours. Mais la Misca n’entrait pas dans le quartier.”

Depuis février - date à laquelle son magasin a été saccagé par des miliciens anti-balaka -, ce commerçant de 54 ans ne peut plus exercer sa profession. Pour lui, la prise de fonction des troupes de l’ONU, lundi 15 septembre, est une lueur d’espoir. “L’ONU est une grande institution”, dit-il. “Ban Ki-moon nous a dit que tout allait changer [lors de son discours officiel à l’aéroport de Bangui, NDLR]. On va voir…”

Marcel Ngonzila reste, lui, très sceptique : “Est-ce que c’est seulement un changement de casque ou est-ce que cela va se ressentir dans les actes ? On croise les doigts. On ne veut pas d’une nouvelle force Misca ou Sangaris.”

Crédit photo : Pacome Pabandji, AFP
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