Ambiance de chasse aux sorcières dans le cinéma égyptien

Les balles sifflent dans le milieu du cinéma cairote. L’annonce d’un hommage spécial au cinéma égyptien sur la Croisette, a installé une ambiance de "chasse aux sorcières" dans ce pays qui vient tout juste de faire sa révolution. Des réalisateurs qui ont un temps travaillé pour Hosni Moubarak avant d’étreindre la cause de la révolution, seront invités à monter les marches lors d’une journée consacrée à l’Egypte, le 18 mai. Et leur présence fait jaser.

 

Lors de cette journée spéciale "Egypte, pays invité", sera projetée, hors-compétition, une œuvre collective intitulée 18 jours, réunion de courts métrages signés des grands noms du cinéma égyptien actuel. Sherif Arafa, Yousry Nasrallah, Mariam Abou Ouf, Marwan Hamed, Mohamed Aly, Kamla Abou Zikri, Sherif El Bendari, Khaled Marei, Ahmad Abdallah et Ahmad Alaa.


"Dix cinéastes, vingt comédiens, six écrivains, huit chefs opérateurs, huit ingénieurs son, cinq décorateurs, trois costumières, sept monteurs, trois sociétés de postproduction et une dizaine de techniciens ont tourné dans l’urgence, sans budget et de manière complètement bénévole, dix courts métrages de fiction, autour de la révolution du 25 janvier en Egypte. Dix histoires qu’ils ont vécues, entendues ou imaginées. Les recettes de ce film seront consacrées à l’organisation de convois d’éducation politique et civiques dans les villages égyptiens", expliquent les organisateurs du festival. Ils saluent "un grand pays de cinéma dont la présence à Cannes ne s’est jamais démentie", et "qui a signalé au monde son besoin de changer d’histoire, son besoin de liberté, sa force collective et son désir de démocratie en faisant la révolution du 25 janvier".


Aussitôt, la liste des réalisateurs et acteurs invités est disséquée par les habitués de l’industrie du cinéma cairote. Un article dans la version en ligne d’Al-Ahram, quotidien de renom en Egypte, cible nommément les réalisateurs jalousés, deux jeunes loups du cinéma égyptien. Sherif Arafa a signé Birds of the Dark (2007) et Escaping Tel Aviv (2009), tandis que Marwan Hamed a réalisé un long-métrage qui a fait le tour du monde des salles obscures, L’immeuble Yacoubian (2006), version cinéma du célèbre livre de Alaa al-Aswani. 


Ces films ont justement été interprétés, au moment de leur sortie, comme des critiques d'une société sclérosée, sous le joug du pouvoir de Moubarak, et comme des appels à une libération politique et morale. 

 

 

Mais ce qui leur est reproché en Egypte, c’est leur participation aux films de campagne au profit de Hosni Moubarak et de son parti, le NDP, lors des élections de 2005 (lire les articles dans The Telegraph, et sur le site TBS journal, rebaptisé "Arab, Media and Society").

 

Nous avons tenté de joindre plusieurs personnalités du monde du cinéma, au Caire, mais très peu de personnes souhaitent parler du sujet. Délicat. "C’est comme en France à la fin de la Seconde guerre mondiale : plus personne n’est collabo", s’amuse un producteur égyptien qui a souhaité rester anonyme.

 

Autre cible des critiques : l’actrice Youssra, égérie du cinéma égyptien qui figure aussi bien dans les films de Youssef Chahine que dans "L’immeuble Yacoubian"… Elle avait plaidé, au moment des manifestations de la place Tahrir, pour Hosni Moubarak et sa capacité à assurer la "sécurité" en Egypte. Ses propos sur la chaîne publique égyptienne avaient suscité l’émoi.

 

D’après l’article paru dans Al-Ahram, une pétition s’étonnant de la présence à Cannes de ces personnes a été signée par 180 personnes, essentiellement des artistes et des personnes travaillant dans le cinéma égyptien.

 

"Ce n'est qu'une polémique de plus en Egypte, qui sont nombreuses depuis la chute de Moubarak, poursuit le producteur égyptien que nous avons contacté. Et puis, qui peut prétendre ne jamais avoir bénéficié, directement ou indirectement, des largesses de l’ancien régime ?"
 

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