Pourquoi Henri VIII a quitté l'Eglise Romaine

Un peu d'Histoire, à une semaine de la visite du pape Benoît XVI en Grande-Bretagne. L’origine de l’Eglise anglicane est-elle la foi ou la volonté d’Henri VIII de divorcer de sa première épouse


La religion anglicane est-elle née des caprices d’un tyran ou d’un excès de zèle religieux ? On pense souvent qu’Henri VIII a créé une nouvelle Eglise pour le plaisir de divorcer de Catherine d’Aragon, avec qui il était marié depuis plus de 20 ans, afin d’épouser sa maîtresse Anne Boleyn.

 

Cette hypothèse convient bien à la légende de Barbe bleue, l’ogre qui tue ses épouses. N’en a-t-il pas écumé six ? Mais si la légende est si noire, pourquoi l’Angleterre a-t-elle célébré avec tant de faste les 500 ans du couronnement du souverain en 2009 ? C’est que les Anglais tiennent à cette légende noire.

 

Le deuxième souverain de la dynastie des Tudors n’a peut-être pas rompu avec l’Eglise catholique par goût pour la luxure. Au contraire. Qu’un roi ait des maîtresses – Henri VIII en a eu assez peu – cela ne choquait personne. Les reines elles-mêmes étaient indulgentes durant leur grossesse. Or, Catherine d’Aragon a connu près de dix grossesses bien qu’une seule enfant ait survécu, la future Bloody Mary.

 

C’est d’ailleurs, selon les historiens, en faisant ce constat douloureux qu’Henri VIII s’est pris à questionner son mariage avec Catherine. Lui, dont la jeune dynastie avait tant besoin d’un héritier mâle, en était privé. Le souverain étant, selon lui, choisi par Dieu, pourquoi ne lui accordait-il aucun fils vivant ?

‘’Si un homme prend la femme de son frère, c’est une impureté ; il a découvert la nudité de son frère : ils seront sans enfant’’ (Lévitique 20 :21). C’est sur ce versé qu’Henri VIII a construit l’Eglise anglicane. Non pas par rejet des vieux préceptes, mais en les prenant au pied de la lettre.

 

Epoux de la veuve de son frère

 

En 1509, Henri VIII avait en effet épousé la veuve de son frère, Arthur. Catherine avait cependant juré que son premier époux, trop jeune et trop frêle, n’avait pu consommer le mariage. Le jeune prince avait alors 15 ans, il est mort quelques mois avec la noce.

 

Henri VII, le père des deux garçons, eut peu de difficultés à obtenir une dispense papale pour fiancer son nouvel héritier à celle qui lui avait apporté d’Espagne une dote considérable et qu’il avait nulle intention de rendre.

 

Henri VII ne comptait peut-être pas honorer cette promesse de mariage. Mais son fils ne l’entendait pas ainsi. Epris de Catherine, il l’épouse dès sa première année de règne. De fausses couches en enfants mort-nés, Catherine atteint les 40 ans et n’est plus capable de concevoir un enfant. Henri VIII ne veut pas laisser à une femme, sa fille Marie née 1496, un royaume menacé par la France de François Ier.

 

Divorce impossible

 

Tombé sous le charme de la jeune Anne Boleyn, il étudie avec plus d’entrain son problème à partir de l’année 1527. Pour lui, les Ecritures disent une chose : Dieu le punit d’avoir épousé la femme de son frère. Il n’aura pas de fils tant qu’il vivra en état de péché. Mais Clément VII refuse de déclarer nul son mariage, s’appuyant sur la dispense que lui avait octroyé son prédécesseur, Jules II. Pour lui, le mariage est valide.

 

Seule porte de sortie : que Catherine accepte de se retirer dans un couvent. Mais toute dévote qu’elle est, Catherine refuse. Soutenue par le Vatican et son puissant neveu, l’Empereur du Saint-Empire Romain Germanique, Charles Quint, elle veut faire valoir ses droits de reine.

 

Le roi écumera les missions diplomatiques et les envoyés au Vatican avec l’aide de son premier ministre, le cardinal Wolsey. En vain. Le Pape refuse de délier ce qui, selon lui, a été lié par Dieu.

 

Henri VIII mène son épouse devant un tribunal, mais elle ne fléchit pas. Désormais persuadé qu'il ne pourra sauver son âme qu’en défaisant son mariage avec Catherine d’Aragon, Rome, selon lui, ne lui laisse qu'une solution : la séparation. Henri VIII qui a toujours été un soutien inconditionnel du Pape s’y résous en 1531.

 

Anti-papisme

 

A l’époque, la réforme protestante s’étend en Europe, notamment sous l’impulsion de Luther. Mais Henri VIII rejette absolument ces préceptes. Il n’y a que la papauté qui lui pose problème. Il crée donc une Eglise dont les rites et les croyances diffèrent peu du catholicisme romain : l’Eglise anglicane ou Eglise d’Angleterre. Le roi rédige lui-même un livre de prière ‘’the Book of Common prayer’’ et s’autoproclame ‘’chef de l’Eglise et du clergé d’Angleterre’’.

 

L’archevêque de Canterbury – nommé par Clément VII – invalide le mariage d’Henri VIII et Catherine d’Aragon en 1533. Le roi épousera Anne Boleyn quelque mois plus tard.

 

En 1536, lorsqu’il pense avoir été ensorcelé par sa seconde épouse, et qu’il l’a fait exécuté, il ne remet pas en cause sa réforme. Il y est certainement encouragé par un entourage virulent, comme son premier ministre Thomas Cromwell.

 

Après la mort du souverain, l’Eglise anglicane sera remise en cause par sa fille, Mary Tudor, puis connaîtra expansion et tumultes jusqu’à aujourd’hui où les conservateurs anglo-catholiques menacent d’une scission.

 

 

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