COMPARAISON N'EST PAS RAISON : Entre Paris et Londres, une bataille pour l'Amérique

Chronique du 04 06 11. C'est un ménage à trois dont deux se tirent dans les pattes pour s'attirer les faveurs du troisième. Ce dernier n'est autre que Barack Obama, ceux qui se chamaillent, David Cameron et Nicolas Sarkozy.  Mais cela n'a rien de nouveau, depuis des siècles, Paris et Londres se bousculent pour recevoir les grâces de Washington.

 

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Qui, du Royaume-Uni ou de la France, est le meilleur ami des Etats-Unis ? Paris et Londres se chamaillent là-dessus depuis des siècles. La question s’est encore posée il y a quelques jours. Fin mai, Barack Obama est venu en visite officielle au Royaume-Uni avant de se rendre en France, pour le G8 organisé par Nicolas Sarkozy.

 

Cette fois, la presse n’a pas tartiné des pages et des pages sur les relations entre les trois chefs d’Etat et de gouvernement, mais elle a quand même surveillé de près leurs faits et gestes. Obama et Cameron qui jouent au tennis de table; Sarkozy qui, après la photo de famille à Deauville, retient Obama avec ses manières tactiles alors que David Cameron est loin derrière.

 

C’est de la politique-spectacle, mais vous auriez tort de penser que les Français et les Anglais sont au-dessus de tout cela.

 

Lorsqu’en janvier dernier, Obama a déclaré : ‘’Nous n'avons pas de meilleur ami ni de plus fort allié que Nicolas Sarkozy, et le peuple français’’, les Britanniques ont crié à la trahison ! ‘’Dire que Paris, et non pas Londres, est le plus grand allié de Washington est tout simplement ridicule!’’, a notamment clamé Nile Gardiner, directeur du Margaret Thatcher Centre pour la liberté.

 

Comme si l’amitié se mesurait aux nombres de morts... Les Britanniques sont même allés jusqu’à compter leurs soldats tombés aux côtés des Américains en Afghanistan. 349 britanniques tombés au champ de bataille, à l’époque, contre 53 français. Vue de Londres, il n'y avait donc pas photo.

 

D’autres Britanniques, en revanche, ont tenté de se rassurer. ‘’Ca ne veut rien dire’’, ‘’Obama était fatigué, il était en autopilote’’ assure John Litchfield, correspondant de The Independent à Paris. Et le journaliste de conclure : ‘’Sans rancune, papa nous aime toujours’’.

 

‘’Papa’’ ? Les relations familiales ont quand même subi un sévère retournement, car l’Angleterre a précédé les Etats-Unis dans l’histoire.

 

Et c’est justement sur leur liens ‘’historiques et leur langue commune’’ qu’Obama et Cameron ont insisté fin mai. Le Royaume-Uni et les Etats-Unis n’ont plus seulement une ‘’special relationship’’ comme l’a nommée Winston Churchill en 1946, mais cette relation est carrément ‘’essentielle’’ au monde entier à en croire Barack Obama. On a l’impression que le président américain a voulu se rattraper de sa gaffe du ‘’meilleur ami’’ en plaçant l’amitié anglo-américaine sur un plan cosmique.

 

Pourtant, en janvier 2011, John Litchfield rappelait que si les liens entre Washington et Londres sont effectivement historiques, ceux de Washington et Paris sont peut-être moins chaotiques et plus fondateurs, tout simplement parce que la France a soutenu la guerre d’indépendance des Etats-Unis et c’était bien sûr contre les Anglais qu’ils se battaient.

 

Comme Londres et Washington, Cameron et Obama n’ont pas toujours été les meilleurs amis taquinant la balle de ping pong ensemble et s’invitant à des barbecues? Lorsque le nouvellement élu Barack Obama et le futur candidat Cameron se sont rencontrés en décembre 2008, Obama a dit de Cameron qu’il était ‘’inconsistant’’.

 

Si leur amitié fait partie de la politique spectacle, ils sont quand même ensemble en première ligne de l'intervention en Libye. C’est d’ailleurs en Libye qu’on retrouve la troisième roue du carrosse : la France, qui est à leurs côtés en première ligne.

 

Les relations franco-américaines soufflent aussi le chaud et le froid. Avant qu’Obama ne soit élu, Sarkozy avait adoubé le candidat américain; il avait même appelé Obama son ‘’copain’’, sans que celui-ci ne lui rende le compliment. C’est que le président français essayait de se mettre dans la poche celui qu’il voyait déjà devenir son plus grand ennemi en termes d’image. "Si John McCain est élu, je pourrais continuer à exister, mais si c'est Barack Obama, ce sera lui le taulier du monde", aurait-il dit.


Obama élu, le nouveau président a réservé sa première visite européenne au Royaume-Uni, pas à la France et lorsque, quelque temps plus tard, au G20, Barack Obama s’enfuie avant que Nicolas Sarkozy n’ait pu se faire photographier avec son ‘’copain’’, les relations se tendent. Le président français aurait traité Obama de ‘’pisse-froid’’.

 

Côté franco-britannique l’amitié n’a pas toujours été au beau-fixe non plus, surtout lorsqu’à trois jours d’intervalle, en mars 2010, David Cameron, pas encore premier ministre, et le chancelier du cabinet fantôme, George Osborne, se sont moqués de la taille de Nicolas Sarkozy, sujet sur lequel il est extrêmement sensible.


Le premier ministre aurait fait une blague sur les nains en parlant d’une photo avec Sarkozy. George Osborne, de son côté, a brandit le petit marchepied se trouvant derrière un pupitre en disant ‘’c’est la boîte de Sarkozy’’, celle sur laquelle il se hisse pour avoir l’air plus grand.

 

Ces mauvaises blagues ont failli déclencher un incident diplomatique.
Cameron s’est rattrapé en accordant sa première visite, en tant que chef du gouvernement, à la France, sachant que l’un de ses ministres était allé à Washington quelques jours avant, l’honneur n’était pas absolu.

 

Bref, aucun des trois chefs d’Etat et de gouvernement n’entretient de relations idylliques, contrairement à ce qu’ils voudraient nous faire croire.

 

C’est ce besoin constant de reconnaissance qui a été touré en dérision en novembre 2008. Wikileaks avait alors sorti un câble diplomatique dans lequel Washington estimait que Londres était ‘’parano’’ dès qu’il était question de leur ‘’special relationship’’. On pourrait presque dire la même chose de la France et de ‘’Sarko l’Américain’’, par rapport à Washington.

 

Londres et Paris vont certainement continuer à se tirer les cheveux ou à se tirer dans les pattes pour être le meilleur ami des Etats-Unis, mais leur proximité géographique les oblige, malgré tout, à rester mano en la mano.

 

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''Comparaison n’est pas raison'' sur French Radio London, le samedi après 17h30, le mercredi après 20h00 et le vendredi après 13h30 (heures françaises). "Comparaison n'est pas raison", c'est le regard étonné et amusé d'une Parisienne sur l'actualité britannique. Parce qu'essayer de comprendre l'Outre-Manche à travers des codes hexagonaux aboutit souvent à un résultat tiré par les cheveux.

 

marie.billon@gmail.com

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2 Comments
Super chronique, très bien construite. Bravo!
j'adore lire ce genre de littérature, les anglishe contre les franchy ou inversement; ça remonte peut être aux romains ou au temps des cavernes, mais c'est une valeur sûre, faut vraiment être de la vieille garde pour encore se balancer ce genre de vacheries, ou alors certains ont trop d'égo mais moi c'est-à-dire moi-même j'ai bien rigolé avec les british en navigation

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