Vieille Europe contre (vieux) Commonwealth

L’Europe traversant une zone de turbulences, les Britanniques se félicitent de n’avoir jamais mis tous leurs œufs dans le même panier. La réunion des chefs des gouvernement Commonwealth (CHOGM), qui se tient en ce moment à Perth, est l’occasion pour David Cameron de réitérer son attachement à d’autres structures.

 

Le Commonwealth est-il une formule plus moderne que l’Union européenne ? Sans aucun doute selon un éditorial de The Spectactor.f Pour l’hebdomadaire conservateur, ‘’le Commonwealth est le modèle de l’alliance moderne et globale. L’UE, en revanche, apparaît de plus en plus dépassée’’.

 

Alors que l’Europe tente d’affronter les difficultés économiques qu’elle traverse, The Spectator assure que l’Union n’apparaît plus comme un ‘’partenariat commercial mais comme un groupe de soutien pour accrocs à la dette’’. Ainsi, s’il ‘’y a 20 ans, l’UE apparaissait comme le futur, et le modèle des alliances britanniques comme appartenant au passé’’, la tendance est aujourd’hui inversée. Plus précisément, elle aurait été inversée par la crise.

 

Pour la Grande-Bretagne, l’Europe est avant tout – voire uniquement – un partenaire économique. Elle n’a pas voulu adopter certaines lois sociales provenant de Bruxelles, et elle veut rapatrier une partie des pouvoirs qui ont été dévolus à l’UE. Si David Cameron s’est imposé dans les questions concernant la crise de l’euro, c’est parce que 50% des exportations britanniques vont vers l’Europe et en particulier vers l’eurozone. Face à la structure bruxelloise, le Commonwealth est un modèle d’alliance idéale, car il n’est pas aussi exigeant.

Renforcer la pertinence du Commonwealth

 

D’autre part, alors que l’Europe multiplie les sommets, le Commonwealth se satisfait de ses quelques rendez-vous prévus à l’avance, comme la réunion qui s’ouvre ce vendredi à Perth, en Australie. Le genre de rendez-vous qui ne fait pas de vague, ou à peine peut-être lorsque le Premier ministre indien qui laisse sa chaise vide. Mais les 53 autres pays seront représentés, y compris les 16 qui ont pour chef d’Etat, la reine Elisabeth II.

 

L’une des questions qui sera abordée lors de ce sommet est justement la question de la modernisation du Commonwealth. Un rapport a fait récemment état de la nécessité pour l’organisation de se montrer plus présente sur la scène mondiale si elle ne veut pas ‘’perdre son intérêt, sa pertinence’. Les chefs de gouvernements vont donc réfléchir à comment procéder pour cela.

 

David Cameron, qui a annulé un voyage au Japon et en Nouvelle-Zélande pour participer au Sommet européen de mercredi soir, estime que le Commonwealth est ‘’une organisation pour le futur’’. ‘’Nous vivons dans un monde interconnecté, et nous avons là un grand réseau, un tiers de la population et 54 pays provenant de six continents en font partie. Mais ce n’est pas un simple réseau : c’est un réseau qui met en valeur les Droits de l’Homme, la démocratie et la liberté’’.

 

Champion et pourfendeur des Droits de l’Homme

 

Les pères fondateurs de l’Union européenne objecteraient certainement que l’UE est constituée des mêmes valeurs ; que la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) a notamment été créée à cet effet ; et que ne ce sont autres que les Britanniques qui veulent la réformer dans un sens qui fait débat au sein de l’Union.

 

D’une certaine manière, il est plus facile, pour un pays d’entrer dans le Commonwealth que dans l’Union européenne. Il faut que le pays candidat ait eu des liens plus ou moins forts avec la Grande-Bretagne à un moment de son histoire (ce qui rend le nombre de candidats potentiels assez important), mais les critères de stabilité économique ou de législation - en matière de Droits de l’Homme notamment - ne sont pas aussi drastiques que ceux de l’UE.

 

Ainsi, certains pays pénalisent encore durement l’homosexualité. C’est le cas notamment de l’Ouganda. La réunion actuelle devrait d’ailleurs aborder ce point particulier. L’association Kaléidoscope, lancée mi septembre à Londres, a pour but principal de promouvoir les droits des homosexuels dans tous les pays du Commonwealth, en particulier les pays africains. Le Commonwealth s’est dit très engagé dans cette perspective, et le gouvernement a fait savoir qu’elle tenait à aborder la question à Perth.

 

Dépoussiérer ou révolutioner le Commonwealth ?

 

Mais il y a d’autres points de modernisation qui seront abordés : la succession au trône de sa Majesté et les critères que doit remplir la personne que le (futur) monarque veut épouser.

 

La réunion a décidé dès ce vendredi de mettre fin à la règle de primauté de l’enfant mâle. Une fille aînée pourra donc désormais accéder au trône même si elle a un frère. Jusqu’à présent - et tant que les parlements n’ont pas entériné la décision prise par le 16 membres du Commonwealth dont la reine est le chef d’Etat – une fille ne pouvait pas accéder au trône si elle avait un frère, même s’il était son cadet. Cette réforme était envisagée depuis de nombreuses années, mais elle se heurtait notamment à une procédure très lourde que les 16 ont donc décidé d’affronter. Le mariage du prince William, en avril, a certainement accéléré le processus.

 

Les 16 devraient ont aussi levé l’interdiction qui était faite au monarque ou futur monarque d’épouser une catholique. Cette interdiction remonte au XVIème siècle et ne s’appliquait qu’aux Catholiques romains.

 

Ces deux points constitutionnels, même si l’Angleterre n’a pas de Constitution écrite, ne faisait pas du Commonwealth – puisque que le Monarque anglais en est le chef – une union très moderne. Cette réunion représente donc une occasion de dépoussiérer les règlements pour faire entrer ce ‘’réseau’’ dans le XXIème siècle, comme Londres l’appelle de ses vœux. Et les deux décisions prises aujourd'hui sont une véritable révolution.

 

Au-delà de l’Europe

 

Il est vrai qu’avec la crise de l’euro, David Cameron et son gouvernement garde un œil inquiet et un discours ferme envers les partenaires européens, tout en regardant au-delà du continent. George Osborne a évoqué en fin de semaine la possibilité d’augmenter la contribution de la Grande-Bretagne au FMI, et plusieurs députés conservateurs estiment que l’avenir du pays ne se situe dans la vieille Europe mais en ‘’en Chine, en Inde, en Amérique du sud, et dans les pays émergents africains’’, selon les mots Philip Davies, l’un des MPs qui a mené la campagne pour un référendum sur l’Union européenne.

 

Les initiateurs de ce que les médias anglais ont appelé une rébellion contre le gouvernement, ont été mis en échec par le vote de la chambre basse lundi dernier, mais ils ont fait entendre leurs voix. David Cameron ne peut pas ignorer qu’il vient de subir la plus importante fronde provenant de son propre camp sur une question européenne.

 

Downing Street a déjà prévenu que ce genre d’attitude pourrait faire perdre les prochaines élections aux conservateurs. Mais la main de fer dans un gant de velours est déjà au travail pour renforcer des alliances et des partenariats au-delà de l’Europe.

 

marie.billon@gmail.com

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