Rencontre avec un sadhu

Il est 14h à Rishikesh. Alors que la ville se repose aux heures chaudes, nous nous dirigeons vers le quartier de Swargashram, à la rencontre de l'Inde spirituelle et de ses fameux sadhus.

 

Dans l'hindouisme, le sadhu est un homme saint : renonçant et ascète, il se détache de toute vie matérielle, évoluant en mouvement et vivant de mendicité. Il consacre sa vie à l'atteinte de la moksha (délivrance), à travers les différentes voies possibles. Il pratique généralement le yoga et la méditation, dans ce but précis de comprendre l'illusion du monde.

Certains sadhus se regroupent en sectes (terme non-péjoratif dans le langage hindou), s'attachant à des pratiques telles que les mortifications corporelles; on peut notamment les observer au cours de la Khumbamela, plus grand rassemblement religieux au monde qui a lieu tous les 12 ans en Inde.

 

Après quelques tentatives déchues, c'est au temple Parmarth Niketan que nous nous arrêtons, où deux apprentis sadhus nous accueillent chaleureusement. C'est avec Vijukandan Nai, originaire du sud de l'Inde, que nous nous entretenons alors; laissant ainsi son accolyte fignoler les détails d'une broderie qui semble l'absorber depuis un bon moment déjà.

 

Comment décide-t-on de devenir un sadhu? Peux-tu nous parler de ta propre philosophie?

 

"Lorsque la vie ne fait pas sens, c'est là que l'on comprend l'illusion du monde, et de surcroît, son aspiration à devenir un sadhu. Si l'on prend les animaux, ils sont plus enclins à pressentir les catastrophes naturelles, ils sont donc plus brillants, et ce parce qu'ils ressentent : on n'utilise pas tout notre esprit, composé de milliers de pièces. Il est indispensable de comprendre son système, physique comme spirituel, pour savoir qui l'on est. Par exemple, d'où vient notre énergie?"

 

"Sortir du système (éducation...) rend libre, c'est la clé pour appréhender son propre fonctionnement, cela devient alors une arme pour critiquer."

 

"Pour être libre, il faut savoir ce que l'on doit garder en soi. Et cela, il faut impérativement le faire pour soi-même, pour sa spiritualité, et non pour les autres, qui jugeraient trop facilement et seraient alors une barrière : la solitude est nécessaire à l'apprentissage."

 

Mais alors d'où vient la connaissance d'un sadhu?

 

"Chacun est maître de son esprit, mais si l'on a besoin d'être seul, on a également besoin d'aide pour apprendre : la connaissance vient des gurus, on ne peut pas tout trouver dans les livres. Et justement, pour compléter ce dont je parlais avant, le jour où l'on se sent plein de connaissance, alors on peut retourner avec les autres. La liberté de l'esprit, c'est la compréhension et le contrôle de cet esprit."

 

Et la notion de bonheur?

 

"Pour être heureux, il faut déceler l'essence de son âme. Les gens reçoivent nombre d'informations qu'ils rejettent, ne pensant pas en avoir besoin : ce qui importe en réalité, c'est de savoir comment les utiliser, en mettant de côté ce qui n'apporte pas ce dont on a besoin, dans le but de se réaliser soi-même. Il est nécessaire de questionner les parties d'ombre qui résonnent en tout à chacun, il y a une solution pour tout, qui nécessite toutefois une connaissance très profonde."

 

"A un degré plus spirituel, pour être heureux tout le temps, il faut trouver l'unité : trouver qui respire en soi, en détruisant son ego, c'est-à-dire son moi grossier et affectif. C'est en entrant en soi que l'on peut supprimer ce dernier, et alors seulement s'en suivront pour un sadhu, la reconnaissance puis l'intégration de son athmân (âme individuelle) dans le brahman (Absolu), le conduisant ainsi vers la moksha."

 

"Par exemple, lorsque l'on dort, l'ego n'est plus présent. Et dans la réalité, on dort sans dormir, c'est une illusion; on ne devient réel que lorsque l'on comprend. Pour voir le monde, il faut le décortiquer, comprendre ce qui est naturel et ce qui ne l'est pas. L'esprit se trouve au milieu, entre l'interne et l'externe : l'unité est toujours nécessaire pour pouvoir faire quelque chose."

 

On reconnaît à tes paroles une pensée Sâmkhya (darshana du dualisme Esprit / Nature), peux-tu alors nous expliquer l'importance du yoga royal dans ton apprentissage?

 

"Le yoga aide à comprendre ce qui est séparé. Le yogi est d'ailleurs au dessus des dieux puisque ceux-ci viennent lui demander conseil. Il est indispensable de vider son esprit avec un maître pour comprendre qui l'on est. Le yoga royal permet d'accéder à l'unité et de voir réellement."

 

Vijukandan Nai conclut alors : "Vous voyez, l'esprit est comparable aux cycles de la lune, on en voit une partie mais le reste demeure caché dans l'ombre." A bon entendeur.

 

 

 

Alix

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2 Comments
Bravo! Dans le esprit il y a tout la vie!
bravo c très intéressant

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