Varanasi ou quand le temps s'arrête

Si Rishikesh est un lieu incontournable pour comprendre la philosophie des techniques ancestrales hindoues, la ville la plus imprégnée de religiosité est, à n'en point douter, Varanasi. Véritable capitale spirituelle de l'Inde, Varanasi semble nous offrir le long de ses ghats l'hindouisme dans toute sa splendeur.

 

Tout y est : les apprentis yogis dans des postures incongrues, des sadhus en pleine méditation, la foule de pujaris réunis chaque soir pour la Arti, les veuves reconnaissables à leur crâne rasé, les crémations au bord du Gange, garantissant le nirvana au défunt... La boucle est bouclée.

 

Il n'y a pas d'époque, il n'y a pas d'heure ici. C'est la religion qui rythme la vie, rien d'autre.

 

Une journée à Varanasi

 

À l'aube, laissez-vous rêver pendant la ballade en barque et découvrez comment s'éveille l'une des villes les plus anciennement habitées du monde (Varanasi daterait du VIIe siècle av. J-C. environ). Silence reposant et couleurs mystiques titillent notre imagination et donnent l'impression de flotter sur le Gange. Ici, des sadhus et des croyants s'adonnent à la purification dans l'eau sacrée. Là, les petits yogis, tout de rose vêtus, effectuent avec zèle les asanas (postures de yogas) que leur maître énonce énergiquement dans le micro.

 

La ballade mystique continue : un troupeau de buffles imposants traverse d'une rive à l'autre, des femmes lavent leur linge. Un vendeur flottant vous propose des coupelles de fleurs pour effectuer une puja dans le Gange. Impossible de refuser, l'ambiance donne plus qu'envie de remercier Shiva et ses compères de ces scènes magiques, que l'on ne peut voir qu'ici.

Mais où sommes-nous exactement ? La question revient souvent dans nos têtes tant le temps semble s'arrêter et les images si improbables.

 

Puis la journée se passe. La chaleur écrasante a raison des touristes peu habitués mais les indiens, eux, ne ratent pas une occasion de pratiquer leur sport favori, le cricket. Le calme règne dans les ruelles étroites, mais si vous décidez de parcourir la ville, pénétrez un des temples et observez la ferveur religieuse qui s'y passe, à toute heure. A coups de mantras et d'offrandes, les croyants ne semblent jamais lassés de se donner aux dieux qui leur permettront de réaliser correctement leur Dharma (odre universel, morale hindoue) et de s'assurer un bon karma.

 

Enfin, lorsque le soleil se couche, fatigué d'avoir brûlé des heures durant, les ghats se remplissent et la Arti (cette cérémonie du feu que l'on avait tant apprécié à Hardiwar) peut débuter : face au Gange, plusieurs Brahmanes allument les mèches imbibées de camphre et font tourner les plateaux de cérémonies sur eux-mêmes puis les font circuler dans la foule de dévots. Ainsi, chacun peut profiter de la bénédiction des divinités, en approchant ses mains des flammes avant de les porter à son front.

Tous les sens sont sollicités lors de cette cérémonie. Outre le spectacle qui émerveille les yeux et l'odeur d'encens qui chatouille le nez, la musique a une place essentielle dans le rituel. Les chants hindous diffusés dans les haut-parleurs sont dédiés aux divinités, ils les glorifient et attirent leur attention, donnant toutes les chances de libération aux pujaris. Les dieux remerciés, le spectacle prend fin et la ville peut commencer à s'endormir paisiblement.

 

Mourir à Varanasi

 

Pourtant un des ghats est toujours actif, là-bas dans l'obscurité, c'est celui des crémations, le Manikarnika Ghât. Il fonctionne 24h/24 et semble être le ghat le plus sacré de Varanasi. Et pour cause, selon la croyance hindoue, qui meurt à Varanasi atteint directement la moksha : le corps brûlé échappe au cycle des renaissances et les cinq éléments dont il est composé (la Terre, l'Eau, le Feu, l'Air et l'Ether - la force vitale -) se confondent avec le feu du bûcher, puis avec celui du soleil, pour enfin ne faire plus qu'un avec le Brahmane, l'Absolu. Cela constituerait selon le Shatapatha-brahmana (texte écrit par Yâjñavalkya, théoricien de la réincarnation) la troisième naissance de l'homme. La première est celle issue de l'union des parents et la deuxième se fait par le mariage.

 

Cette troisième naissance débute par un cortège funéraire : enveloppé de tissu, recouvert de papiers dorés et de colliers de fleurs, le corps est porté à travers la ville (c'est toujours étrange de voir passer un cadavre pendant que l'on boit tranquillement un chai dans les ruelles!) jusqu'au ghat de crémation où il est déposé sur le bûcher après avoir été lavé une dernière fois dans l'eau divine. La tradition veut que les femmes et les enfants n'assistent pas à la cérémonie, les pleurs pourraient déranger le rituel, plutôt banalisé dans l'hindouisme, contrairement à l'aspect tragique de la mort dans nos cultures.

 

A peine le corps brûlé, les membres de la famille s'en vont avec en tête l'assurance d'avoir laissé le défunt dans un paisible voyage pour le Nirvana. Pas le temps de détourner le regard qu'un autre corps prend place. La mort n'attend pas à Varanasi. Ou si, elle attend mais avec impatience. C'est l'effet que donnent ces mouroirs autour du ghat, remplis de vieillards, presque pressés de vivre leurs dernières heures dans la ville de Shiva. Le Nirvana est un bien précieux.

 

Mais la crémation n'est pas le lot de tous les hindous. Pour les saints, les femmes enceintes et les enfants, la sépulture se fait dans les eaux du  Gange, témoignant de leur place sacrée dans la hiérarchie religieuse. Une image qui fait toujours un peu peur lorsque un bruit sourd tape contre la barque!

 

Un peu coupable, je repars dans le labyrinthe de la ville. Il n'y a finalement rien de choquant à cette cérémonie si ce n'est peut-être le fait d'être allé la voir...

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Lou

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1 Comments
très intéressant

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