Analyse des résultats finaux : une bataille acharnée au 2e tour

« Aujourd’hui est le couronnement de vingt ans de lutte, vingt ans de résistance, d’abnégation et de privations mais aussi vingt ans de foi en la victoire finale », a dit Mahamadou Issoufou avec émotion au lendemain de l’annonce de sa victoire aux élections présidentielles du 12 mars.
Le nouveau Président du Niger, a remporté la victoire avec près de 58% des suffrages, soit 500 000 voix de plus que son adversaire, Seini Oumarou, à l’issue d’un scrutin très disputé qui a passionné le Niger, dont 50% des électeurs se sont déplacés. Issoufou, fondateur du parti rose, le Parti Nigérien pour la Démocratie et le Socialisme (PNDS), il y a vingt ans, doit sa victoire à un travail de terrain tenace et patient, qui a permis à son parti de se hisser à la première place des forces politiques du pays aux élections locales du 11 janvier, avec 28% des voix. Il la doit aussi à son plus grand allié, Hama Amadou, le dissident du Mouvement National pour la Société de Développement, et son jeune parti Lumana, qui a pesé de tout son poids dans la victoire et dans la campagne. Créant la surprise avec environ 19% des voix, aux mêmes élections locales, Lumana a permis à Issoufou de gagner la région de Tillabéry, où Hama est extrêmement fort. Le deuxième allé, très présent dans la région de Dosso, est l’Alliance Nigérienne pour la Démocratie et le Progrès (ANDP, 5% des sièges aux locales), dont l’appui n’a jamais fléchi depuis les premières heures de la lutte contre le projet de violation de la Constitution nourri par le Président Mamadou Tandja.
Les autres alliés, de dernière minute, n’ont pas pesé du tout sur le résultat du 2e tour, ce qui économise au PNDS une distribution des dépouilles compliquée et peu plaisante. A noter, les leaders du PNDS affirment jusqu’à aujourd’hui qu’il n’y aura pas de partage des postes au sens habituel du terme au Niger. Mais Lumana sera remercié de son apport crucial par des places importantes au sein du prochain gouvernement socialiste. La loyauté est de mise avec l’homme qui a divisé l’éternel adversaire et rival du 2e tour des socialistes : l’ancien parti Etat, Mouvement National pour la Société de Développement, MNSD.
Le deuxième enseignement de ces élections est la résistance du MNSD, qui reste, avec le PNDS, la seule force véritablement nationale. Son affaissement n’est pas encore un effondrement, loin de là. Le 2e tour l’a prouvé, par des scores majestueux dans l’Est du pays. Jadis premier parti incontesté, il a enregistré 22% des sièges aux locales. En recul aussi, la Convention Démocratique et Sociale de Mahamane Ousmane, qui est descendue à la 4e place, avec 12% des sièges, toujours aux locales.
Dans les grandes lignes, cette carte recouvre celle de 2004. Le PNDS progresse légèrement (de 2 à 3 points), la CDS recule de plus de 4 points (dont 2 à rapprocher du score de l’ARD Adaltchi voir ci-dessus), quant au MNSD, au faîte de son pouvoir en 2004, il atteignait 40% des voix, ce qui, à un point près, correspond aux scores additionnés du MNSD et de son rival siamois Lumana, en 2011.
Les législatives qui ont suivi, le 31 janvier, ont été des élections un peu particulières puisqu’un tiers des listes ont été invalidées. A cet égard, elles reflètent moins la réalité politique du terrain, ayant empêché la CDS de se présenter dans son fief de Zinder, le MNSD à Tillabéry et le Rassemblement Social Démocrate à Maradi.
Au lendemain du premier tour des présidentielles (couplées aux législatives), Hama Amadou, arrivé 3e, ne pouvant plus espérer la victoire, s’est immédiatement rallié à Issoufou qu’il venait de quitter trois semaines plus tôt, dans le cadre d’un retournement d’alliances aussi prompt qu’inattendu. Issoufou totalisait alors 36% des voix et son adversaire du MNSD 23%. En trois semaines, le MNSD a remonté un lourd handicap, avec l’aide de son principal allié, Mahamane Ousmane, le président de la CDS, qui n’avait pas mouillé le maillot depuis longtemps. Ce dernier parti, le parti vert, avait explosé dans l’intervalle puisque la majorité des vice-présidents du bureau politique appelaient, contre le président du parti, à voter pour le candidat rose, leur allié de la lutte démocratique.
Sur le papier, Issoufou devait gagner très facilement, en additionnant les scores des alliés pléthoriques qui l’avaient rejoint. Toutefois, le MNSD a enregistré de très bons scores à Zinder et Maradi, deux régions très peuplées, de respectivement 406 000 et 358 000 voix (contre 136 000 et 174 000 voix pour le PNDS). Ces scores, qui dépassaient largement les prévisions du PNDS, peuvent s’expliquer par plusieurs facteurs dont le mauvais report de voix des ralliés de dernière heure dont les partisans ont voté pour le MNSD et un vote « Tandja » des électeurs du fief de l’ancien Président incarcéré.
En revanche, le PNDS a enregistré une meilleure participation que prévu dans le fief d’Issoufou, la région de Tahoua, avec 648 000 voix (contre 168 000) et de très bons reports de voix à Tillabéry et Dosso, avec respectivement 407 000 et 273 000 voix (contre 177 000 et 97 000 pour le MNSD).
Si la campagne n’a pas toujours été irréprochable partout, ce résultat final est de bon augure pour le Niger. D’abord parce que ce front reconstitue les alliances naturelles de la fin du régime de Tandja, plus « lisibles » pour l’extérieur, et parce qu’il a renversé les appartenances régionales en voyant l’Est voter pour un candidat zarma (de l’Ouest) et l’Ouest voter pour un haussa. Toujours de bon augure, les félicitations adressées par le candidat malheureux, Seini Oumarou, qui s’est déplacé au domicile du vainqueur et a renoncé à exercer des recours contre le vote.

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