Cruauté envers les animaux : la fin des calèches de Central Park ?

© Anne-Diandra Louarn

Hiver comme été, elles sont là. Incontournables du circuit touristique des quelque 50 millions de visiteurs qui se pressent à New York chaque année, les calèches de Central Park sont vouées à disparaître. À la place, les touristes pourront déambuler dans toute la ville à bord de voitures électriques de style rétro. C’est en tout cas l’une des premières mesures que souhaite prendre le maire démocrate Bill de Blasio, entré en fonction le 1er janvier 2014.

Si plusieurs villes comme Paris, Toronto, Londres ou Pékin ont déjà aboli ce type d’attraction, pour la Big Apple, la partie - opposant les défenseurs de la cause animale aux conducteurs de calèche - semble loin d’être gagnée… Au coeur du débat : les conditions d’exploitation des chevaux que les premiers jugent inhumaines, ce que réfutent farouchement les seconds. “Nous ne sommes pas contre le travail des chevaux mais plutôt contre les chevaux qui travaillent dans les rues de New York, encerclés de toutes part par des bus, des taxis et un trafic très dense. Les calèches ne sont plus, et n’ont même jamais été, quelque chose de pittoresque ou romantique”, explique Matthew E. Bershadker, président de l'organisation américaine ASPCA, l'équivalent de la SPA française.

Sept accidents impliquant des chevaux depuis 2011

Même son de cloche du côté de l’ONG Friends of Animals qui compare le quotidien de ces chevaux new-yorkais à une vie en prison. “Ils sont littéralement arnachés à leur calèche qu’ils doivent tirer toute la journée dans un environnement chaotique et non-naturel ; et le soir, on les remet dans leur cellule. Ils ne prennent jamais le temps de brouter ou errer dans les pâturages librement”, déplore la directrice Edita Birnkrant qui dénonce “une vie en total confinement”. La loi actuelle prévoit, en effet, que les écuries doivent mesurer au minimum 64 pieds-carrés, soit moins de 6 mètres-carrés. Ramené à la taille d’un cheval, on comprend rapidement que la surface est vraiment trop étriquée.

Depuis 2011, sept incidents marquants avec des chevaux ont été rapportés par les autorités new-yorkaises. Au moins deux d’entre eux ont été impliqués dans des accidents de la route avec des taxis ou des 4x4 ; et un autre est même mort des suites de ses blessures. Certains se sont également effondrés - probablement de fatigue -, et d’autres, encore, ont eu des réactions incontrôlées après avoir été effrayés par des automobiles.

Plusieurs personnalités publiques ont pris position officiellement en faveur du projet de loi interdisant les calèches, pour le plus grand plaisir de Bill de Blasio. C’est le cas de l’acteur Alec Baldwin, la journaliste-féministe Gloria Steinem, l’actrice-star de la série “Glee” Lea Michele ou encore la chanteuse Miley Cyrus.

Les détracteurs dénoncent la destruction de 300 emplois

Mais en face, les détracteurs du texte ne comptent pas se laisser faire. Selon les chiffres du “New York Times”, la ville compte actuellement 68 calèches, au moins 150 conducteurs et 220 chevaux auxquels s’ajoutent le personnel supplémentaire dédié, notamment, aux soins des bêtes. Au total, ce sont quelque “300 emplois occupés par la classe moyenne que Bill de Blasio va supprimer”, affirme Nicole Gelinas, une éditorialiste du “New York Post”.

Bien décidés à se battre pour leur survie, les conducteurs de calèches ont fondé leur propre association et ouvert un site web pour tenter de glaner des dons. Ils sont soutenus par le Cavalry Group, une organisation de défense des droits des propriétaires d’animaux. Lui-même conducteur de calèche et porte-parole improvisé de l’association, Stephen Malone assure que les chevaux ont leur dose quotidienne d’exercice, notamment grâce aux ballades de touristes dans Central Park, le poumon vert de Manhattan. Et bien qu’ils ne puissent pas brouter quotidiennement, ils disposent de cinq semaines de congés dans une ferme chaque année, indique-t-il au “New York Times”.

Pour les chevaux, une retraite anticipée à l’abattoir ?

Depuis 2010, cette industrie de niche est bien mieux encadrée, les conditions de travail des chevaux ont été revues, tout comme les salaires des conducteurs. Ainsi, les chevaux ne sont pas autorisés à sortir si les températures hivernales descendent sous les -8°C et si le mercure estival grimpe au dessus des 32°C. Un bon début même si les défenseurs des animaux répondent que ces conditions ne prennent pas en compte d’autres facteurs comme le taux d’humidité, la température de l’asphalte ou encore le vent.

En outre, le projet de loi, du point de vue des conducteurs, va obliger à abandonner les chevaux qui travaillent encore dans des fermes spécialisées. Mais les places disponibles dans ce genre d’établissement sont rares, laissant craindre que beaucoup de chevaux finissent, en fait, à l'abattoir.

Côté people, les soutiens sont moins nombreux chez les “pro-calèches”. Mais ils peuvent tout de même se targuer d’avoir le très populaire Liam Neeson dans leur camp. “C’est une industrie qui existait déjà avant le premier mandat d’Abraham Lincoln [en 1861, NDLR]. C’est une belle industrie. C’est une véritable connexion avec notre passé”, a-t-il déclaré début mars lors d’un événement en soutien aux conducteurs.

Les migrants irlandais premiers touchés

Et le plaidoyer de l’acteur pèse d’autant plus qu’il est originaire d’Irlande, tout comme “la plupart des conducteurs de calèches”, indique Nicole Gelinas. La journaliste accuse ainsi le maire de s'en prendre aux travailleurs d’origine irlandaise, alors qu’ils comptent tant dans l’histoire de la ville. “New York qui veut abolir une industrie toute entière ? C’est du jamais vu !”, dénonce justement Colm McKeever, un immigré irlandais interrogé par le "New York Times". Il tire les rênes de sa calèche depuis 25 ans.

Un point de vue rejoint par Stephen Malone qui envisage déjà de recourir à la justice si cette loi qu’il qualifie d’”élitiste” venait à entrer en vigueur. Aucun calendrier législatif n’a été communiqué pour l’heure. Mais le nouveau conseil municipal dirigé par Melissa Mark-Viverito, qui avait déjà plaidé pour une suppression des calèches en 2010, semble pressé. Pressé de rendre des comptes ? Il faut dire que les activistes qui soutiennent le projet de loi ont versé plus de 1,3 million de dollars pour soutenir la campagne électorale du maire de Blasio. De quoi mettre aisément la pression sur le nouveau maire, qui doit pourtant avoir d’autres dossiers bien plus urgents à traiter.

En attendant, l’idée semble déjà faire des émules. La ville de Montréal au Canada, a annoncé récemment étudier une mesure similaire. Et le débat s’annonce tout aussi virulent...


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