Mandela, le géant qu'on ne voulait pas laisser partir

Les journalistes s’impatientent. C’est pour quand cette annonce ? C’est pas tout ça mais ça commence à coûter cher à nos rédactions cette petite excursion aux antipodes. On voudrait pouvoir déclencher le plan « Mandela ». Nos articles écrits depuis plusieurs années et remis à jour. Nos « spéciales » qui sont dans les cartons on les déballe, ou pas ? Mais non. Dernier communiqué : « Son état s’améliore » dit sa petite fille.
Il ne va pas nous refaire le coup quand même ? Ce n’est pas le bon goût qui caractérise le mieux la profession à laquelle je dois encore m’honorer d’appartenir. Chez nous on ne prie pas pour que Mandela reste avec nous. Il faudrait qu’il se passe quelque chose maintenant. Qu’il se décide enfin à passer l’arme à gauche.
Mais rassurez vous, quand la lumière s’éteint dans les bureaux, sur les plateaux et dans les studios, lorsqu’on remet son écharpe et son manteau (oui, même en juin), on se dit que certains jours, on aimerait mieux faire un autre métier. Ou au moins qu’on aimerait bien dire et écrire ceci : Qu’il y a quelque chose d’impressionnant et de beau dans cette fin de vie. Quelque chose  qui dépasse la seule personne de Mandela.
Enfin, comment ne pas se demander si cet homme qui semble avoir tant de mal à nous quitter n’entretient pas un rapport particulier avec son créateur ?
Comment expliquer, en effet, qu’à bientôt 95 ans, cet homme qui a été aussi souvent malade ces dernières années, qui a autant souffert durant ses 27 ans de détention, tienne le coup sans un petit coup de main de là haut ? Comme si, là, il n’était plus question de laisser faire la Nature. Cette même Nature si cruelle qui emporte prématurément, on le sait tous,  d’êtres chers que nous tenons pour bons et droits ? Mais au contraire la rappeler à l’ordre. Comme si, là haut, Dieu, le Grand Architecte, Yahvé, Allah, Boudah, appelez le comme vous voulez, avait décidé que Mandela avait encore du boulot sur cette terre. A 95 ans ? Après tout ça ? Est-ce bien raisonnable ?

« Même vieux et malade, nous avons encore besoin de lui » a-t-on entendu dans les rues de Johannesburg ces derniers jours.
Cela fait au moins trois ans que Nelson Mandela n’a pas été vu en public, autant qu’il n’a guère plus d’influence sur le destin politique de l’Afrique du Sud, et pourtant…Pourtant, beaucoup de sud africains craignent qu’avec le dernier souffle de « Madiba », une page de l’histoire de leur pays ne se tourne définitivement. Qu’il s’agisse de la corruption de l’ANC, de l’égoïsme de blancs prospères qui rêvent de voir se perpétuer un apartheid économique, les enfants de Mandela ne paraissent guère rassurés sur l’Afrique du Sud que lègue le fondateur de la « nation arc en ciel ». C’est comme si, à leurs yeux, ce géant-comme il n’en existe que quelques uns par siècle-avait encore, du simple fait qu’il est encore en vie, le pouvoir de rappeler les uns et les autres à leurs devoir, à la décence, à la modération, au compromis.

C’est même encore plus que cela. Nelson Mandela s’apprête à nous quitter après une vie longue, extraordinaire, exemplaire est déjà une sorte de saint vivant. Son immortalité, au sens ou l’entend Milan Kundera, est acquise. Mandela sera révéré comme un prophète. Ses disciples qui se trouvent dans le monde entier, sont des « citoyens du monde » qui se raccrochent à lui pour continuer d’espérer. De penser qu’avec des hommes comme lui le racisme n’est plus une option. Que l’action politique, sage et désintéressée, dévouée au bien commun, respectueuse de ses adversaires et même de ses ennemis est encore une chose possible. Des disciples d’une religion laïque, sans église, mais qui, malgré les racines idéologique de l’ANC, emprunte à ce que le christianisme a de meilleur davantage qu’au marxisme : Citons l’esprit de sacrifice, le pardon des offenses et le souci de ne pas réparer une injustice en en créant une autre. Oui, bien sûr, il est tentant de voir en Mandela une sorte de christ moderne. Son supplice à lui furent ces 27 années de détention à régime sévère.
« Il est comme un Dieu pour nous », le cri de cet homme à l’envoyée spéciale de France24 n’est-il pas, au fond ce que ressentent nombre de sud-africains, et au delà des millions d’êtres humains auxquels Mandela a inspiré respect et affection.

Mandela est vieux. Toute sa vie aura été un modèle de dignité pour des générations entières. Doit-on le priver de mourir, à son tour, dignement et non dans d’inutiles souffrances ? Et en même temps on comprend l’angoisse de ceux qui, constatant qu’il n’a laissé aucun héritier spirituel, préfèrent s’accrocher à la moindre étincelle de vie, comme si elle avait le pouvoir magique de les protéger des sombres penchants de leurs politiciens. Comme si le petit filet de vie qui retient encore Mandela sur cette terre était un dernier gage de décence destiné à s’envoler avec son âme.

Il n’y a de statue du commandeur que dans les pièces de théâtre.
« Les cimetières sont remplis de gens irremplaçables », a-t-on coutume de dire. Certes, mais certains, décidement, sont plus irremplaçables que d’autres.

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3 Comments
jabjab16.Merci et bien pensé dans ton coeur
Quand un homme,passe une partie de sa jeunesse dans les prisons défendant la cause dont il croyait,la libération de son peuple opprimé du joug coloniale.il y'a de quoi de se soucier sur son sort,ce n'est pas parceque il est immortel non.Seulement ce peuple qui a goûté aux fruits de sa gouvernance.aujourd'hui ce meme peuple lui voue son attachement jusqu’à son dernier souffle.
Joli texte pour Mr Mandela qui libère de sur notre terre inculte ses 23années de prison pour être sanctifié . Le crétin qui ose le nommer CHRIST moderne, ce dernier est en souffrance depuis 2000 ans comme DIEU UNIQUE et créateur devant un peuple qui le trahi sans aucun ménagement à travers 7 milliards d'ingrats et le mélanger à un simple bouddha ,allez ajoutez Confucius , Dalaï-lama , mais derrière JESUS , il y a les martyrs ,les soldats morts en service commandé ,il y a ceux qui meurent ignorés . Allez je vais ajouter les pauvres vieux dans leur fauteuil roulant.

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