Et si le redressement productif passait (aussi) par l'Open Data ?

Par Julien Le Bot


Le désenchantement (ou les désillusions) pousse parfois le vice un peu loin : les uns pensent que la politique, mondialisation oblige, ne peut plus rien. Les autres, realpolitik en bandoulière, estiment qu’il faut réagir en mettant le paquet sur les industries d’hier qui peuvent être, selon ce credo, celles de demain. Est-ce ainsi qu’il faut entendre le nom de ce maroquin inédit : « le redressement productif » ? Et l'Open Data, dans tout ça ?

 

 

Certes, « Rien ne se perd, rien ne se crée tout se transforme », écrivait Lavoisier. L’innovation, ce n’est pas réinventer la roue : c’est, en ce sens, partir de ce qu’on sait (bien) faire pour fabriquer encore mieux. Au-delà, il y a ce qu’on ne connaît pas encore précisément, mais qui pourtant pourrait permettre de construire de nouvelles filières, de créer de nouveaux emplois, d’offrir de nouveaux services. La ministre déléguée aux PME, à l’innovation et à l’économie numérique, Fleur Pellerin, semble d’ailleurs consciente de cette double détente puisque, le 4 juin, au Palais Brogniart, elle déclarait : « (…) nous devons sauver les activités viables (la reconquête) et protéger en encourager celles qui sont prometteuses (la conquête). »   


Qui ne souscrirait à cette ambition ? Là où les choses se compliquent, c’est au moment où sonne l’heure des choix et du cap à fixer – a fortiori en période de contraintes budgétaires et de course internationale aux innovations de toutes sortes. Quels sont les secteurs clés et comment investir durablement, pertinemment, et efficacement pour créer de la valeur sans risquer de saupoudrer ni de manquer son tir faute de moyens ou, mettons, d’intuitions ?

 

Sur le front numérique, qui n’est pas une mince affaire pour préparer l’économie de demain, il existe des initiatives autour de la question des données ouvertes (ou « Open Data » pour les intimes) qui fonctionnent déjà bien – avec relativement peu de moyens – et qui ont besoin d’être accompagnées, soutenues, et développées pour ne pas « décrocher », comme on dit dans l’aéronautique, vis-à-vis de la concurrence internationale.    

 

Il existe là tout une filière à structurer d’urgence : la naissance (et l’effervescence), en mars dernier, d’une communauté des acteurs de l’Open Data (« Dataconnexions ») dans le prolongement des actions lancées par des collectivités pionnières comme Rennes, des associations comme la Fondation Internet Nouvelle Génération ou LiberTIC, mais aussi par la mission interministérielle Etalab, était de bon augure.  Il faut désormais, pour ne pas perdre une minute ni une longueur d’avance, soutenir les jeunes entreprises qui sont prêtes à créer de nouveaux services, à inventer de nouveaux métiers, à proposer de nouvelles façons de s’approprier et de transformer le déluge de données que les administrations, les entreprises, mais aussi les capteurs ou les objets sont appelés à produire et à à « libérer ».

 

Dans ce domaine, à la croisée de l’Open Data, du Big Data et du Web sémantique, la France ne peut pas se permettre de se laisser doubler. Sur la question des données, la plupart des géants sont Américains. Est-ce à dire qu’on ne peut pas suivre, en Europe ? Que l’on souhaite déléguer ses compétences à d’autres – fussent-elles stratégiques ? L’intensification des échanges autour de l’information, de la donnée et du service aux entreprises ou aux particuliers montrent le contraire : les acteurs sont là. Et des technologies françaises existent. Il faut désormais les aider en cofinançant la recherche et le développement des entreprises (en France et à l’international), en incitant les investisseurs privés à parier sur des projets innovants (au-delà de l’amorçage), en permettant aux réseaux de compétences spécialisées de travailler ensemble et aux meilleures équipes de s’associer à des centres de recherche et des universités pour préparer les emplois à venir.

 

Le dernier rapport sur le financement de l’innovation en France publié par le think tank Terra Nova dénonce un « système en échec ». Un des éléments les plus intéressants de ce rapport a trait aux modalités de financements de l’innovation : « 21 % du PIB américain est aujourd’hui réalisé par des entreprises ayant été financées par le capital-risque. Ce chiffre est proche de zéro en France. »

 

Au-delà, il est intéressant de noter que le Conseil national du numérique vient de publier un avis plaidant en faveur d’une « gouvernance des données publiques » : si le secteur public pèse « plus de 50% dans l’économie française », une approche audacieuse et pragmatique de la mise à disposition de ces données publiques peut « jouer un rôle moteur dans la construction de la société numérique ». Pour ce faire, deux axes : réformer le droit relatif aux données publiques (et à leur réutilisation), et accompagner les administrations dans la mise en place de ce nouveau paradigme de l’accès aux informations de nature publique en créant, notamment, une Haute autorité des données publiques et une agence nationale chargée de mettre en musique le mouvement.     

 

En somme, il est urgent de réinventer les modalités de soutien et de partenariat public/privé (à toutes les étapes) dans le cadre de la société numérique (qui arrive, quoi qu’on en pense) et de soutenir durablement toutes celles et ceux qui travaillent déjà sur ces secteurs d’activités en devenir pour permettre à l’innovation de construire, en Europe en général et en France en particulier, les industries de demain.
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Billet publié initialement sur : www.yakwala.fr/blog

Crédit : @zigazou76 (Licence Creative Commons)

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